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Recherche en danse
Rédaction - Romain Panassié

Des perspectives s’ouvrent actuellement dans l’utilisation des partitions chorégraphiques pour alimenter des projets de recherche en danse, aussi bien sur le plan esthétique, stylistique, que pédagogique.

De tels projets mettent en lien des savoirs et savoirs-faire issu d’autres approches en analyse du mouvement (par exemple en AFCMD), en musicologie, en histoire de l’art, ou encore des nouvelles technologies, avec la notation du mouvement. S’agissant de projets de recherche pluridisciplinaires, ils permettront à terme de renforcer le lien entre le milieu professionnel des compagnies et lieux de formation en danse, et les endroits de théorisation et de conceptualisation, tels que l’université française.

Documenter un chorégraphe

Développer de nouvelles manières de documenter et analyser la danse d'Emio Greco

Bertha Bermudez, assistante du chorégraphe Emio Greco a demandé à Eliane Mirzabekiantz d'intégrer le programme de recherche entrepris par la compagnie Emio Greco|PC avec le soutien du Research Group Art Practice and Development de l’AHK, Pays-Bas. L'objet de la recherche est de développer de nouvelles manières de documenter et analyser la danse d'Emio Greco. Emio Greco est un chorégraphe pour qui la conscience du trajet interne du mouvement est l'essence de son langage et il n'est en aucun cas soucieux de la forme du mouvement. Ce programme inclut également un groupe interdisciplinaire de chercheurs comportant un artiste multimédia, un chercheur de captation du mouvement, une cinéaste, une chercheuse en neurosciences et un chercheur en analyse des pratiques artistiques.

La question du chorégraphe vis-à-vis de la notation du mouvement fut : les systèmes existants peuvent-ils convenir ?

Pour tenter d'y répondre au mieux, Eliane Mirzabekiantz a fait appel à Romain Panassié ainsi qu'à Marion Bastien, experte en notation Laban. Ensemble, ils ont constaté devoir faire face aux mêmes problèmes, mais ils se sont distingués par leurs choix d'analyse dus aux prérogatives de leur système respectif. Les différentes étapes se sont faites sous forme d'atelier en présence du chorégraphe et de son assistante. Cette recherche a fait l'objet de plusieurs articles, d'une publication avec DVD – (Capturing Intention) – et d'une installation interactive.

La transmission en danse

Le collectif comme méthode, dans les métiers de la danse

Le projet d’étude pour la Fondation d’Entreprise Syndex, associant les danseurs membres du Laboratoire des Carnets Bagouet et l’équipe Psychologie du travail et clinique de l’activité (Centre de recherche sur le travail et le développement) du Conservatoire national des arts et métiers, constitue un exemple d'approche pluridisciplinaire dans le domaine de la recherche en danse.

Son originalité est d’associer, dans un travail de recherche, des danseurs professionnels et des chercheurs de l’équipe Psychologie du travail et Clinique de l’activité (CRTD-CNAM), spécialistes du travail, pour questionner la danse du point de vue du métier. Il s’agit de reprendre des questionnements autour des collectifs de travail, de la transmission comme vecteur d’existence d’un métier et en même temps la possibilité que cette transmission ne se fasse pas à l’identique. Il s'agit aussi d’élaborer des objets partageables et un discours qui favorise l’évolution et la vitalité du métier. Cette expérimentation a notamment mis en évidence la force du « collectif comme méthode », la puissance méthodologique du collectif.

Romain Panassié a participé à ce projet en tant que choréologue Benesh et danseur membre du Laboratoire des Carnets Bagouet. L'un des points de départ de cette recherche a notamment été sa transmission à d'autres danseurs d'un extrait du Crawl de Lucien (1985) du chorégraphe Dominique Bagouet, à partir de la partition chorégraphique réalisée par Véronique Gémin en 1988, lors de la reprise de la pièce par le Groupe de Recherche Chorégraphique de l'Opéra de Paris, et déposée à la médiathèque Hector Berlioz du Conservatoire de Paris.

Ce projet de recherche a donné lieu à la constitution de deux types de ressources directement partageables au sein de la formation à la Choréologie Benesh au Conservatoire, notamment comme support de réflexion, discussion, débat autour des notions de transmission et d'interprétation en danse :

  • Un montage vidéo, intitulé Des instruments d'action de la transmission en danse, conçu comme un objet de travail et réalisant une compilation des questions qui sont apparues au chercheurs du CNAM comme étant les plus saillantes dans les échanges avec les danseurs ;
  • Un recueil de textes regroupant les écrits de l'équipe des chercheurs du CRTD-CNAM et des danseurs engagés dans le projet.

Lecture du Spectre de la Rose

Gustavo Long pose la problématique suivante :
Comment, à partir des écarts existants entre deux versions filmiques du Spectre de la rose pouvons-nous constater que «l’entre» des deux pièces contient des gestes oubliés et / ou cachés de la pièce créée par Michel Fokine ?
Et ces gestes oubliés et / ou cachés sont-ils les responsables d’un effet de démultiplication gestuelle du Spectre de la rose ?

Gustavo Long, alors élève 1er cycle de notation du mouvement Benesh, a mené en parallèle sa formation au Conservatoire de Paris et des études au département danse de l'Université Paris 8. Dans le cadre de son mémoire de Master 2, il a mené une recherche autour du Spectre de la rose, chorégraphie de Michel Fokine, nourrie par l'étude d'une partition chorégraphique en notation Benesh réalisée au Scottish Ballet en 1982.

Le corpus de son travail comporte ainsi trois éléments :

  • deux versions filmiques enregistrées du Spectre de la rose. L'une interprétée par Mikhaïl Baryshnikov et Margot Fonteyn en 1979 à Los Angeles. L'autre interprétée par Rudolf Noureev et Denise Jackson en 1980 dans The Joffrey Ballet Tribute to Nijinsky en 1980.
  • et une partition chorégraphique réalisée par Kristin Johnson en 1982, alors qu'elle travaillait comme Choréologue au Scottish Ballet.

Pour cette recherche, la partition chorégraphique participera comme élément de contre-point pour mettre en tension les deux versions filmiques, ou pour permettre d’avoir des éclairages sur des gestes spécifiques.
La partition créée par Kristin Johnson en 1982 servira de témoin des gestes ancrés dans un autre contexte (la réalisation d’une partition) à la même époque et pour la même pièce. Elle devient ainsi un appui pour l’analyse des œuvres du corpus primaire, les versions filmiques de 1979 et 1980. Sachant que la création d’une partition a pour but de transmettre une pièce chorégraphique, sa lecture permet d’approcher la pièce d’une manière qui appartient à une autre logique de la pensée, au regard des captations vidéos.

À partir de la proposition de François Jullien qui nous invite à aborder le dialogue des cultures « en travaillant des écarts » (ouvrir des écarts, c’est pratiquer une brèche dans le conformisme, c’est créer de l’entre, réintroduire de la tension dans la pensée), Gustavo Long a souhaité mettre en tension ces deux versions filmiques.
Son hypothèse est que dans l’entre des écarts des deux versions filmiques se trouve un troisième élément que François Jullien nomme comme l’autre. Et l’autre dans le Spectre de la rose est le chorégraphe, Michel Fokine.